"Lorsqu'un seul homme rêve, ce n'est qu'un rêve. Mais si beaucoup d'hommes rêvent ensemble, c'est le début d'une nouvelle réalité." HUNDERTWASSER

vendredi 27 février 2009

Fes iL Y a UnE sEmAiNe

A bord de mon bateau, je me sentais voguer, flotter dans les airs, entre odeurs de poisson cuit au soleil. Graisse de mouton et odeur de plumes de poule prête à passer sous la lame. Je me sentais devenir homme à travers toute cette beauté et toutes ces laideurs. Vue sur les marteaux, flammes qui dansent au son du cuivre, je bois mon thé. Dans ce petit café en miniature deux trois affiches Psychose, New York New York et un esprit unique rhytmé au son des dinandiers. Je voguais entre deux extrêmes, celui de l'intégrisme inconcient et l'amour. Le dogme et le coeur. Taâla kbira ma main plonge dans un sac de graines. Urseff nid à mouches aux fruits frais. Paradis des rats et des chats. Odeur de pâte cuite sur un poêle rond. Odeur de vie et d’extrême. Terrain de jeu et pneu crevé. Passants aux poches vides et aux poches pleines. Sans bras, sans jambes, gracieux. Les visages s'entremêlent, boiteux, mignonnes, tendresse, dents pourries écorché du goudron, de la bouteille. Charmes du quotidien, rage de vivre, être. Et puis il y a ces rencontres qui au fil de nos mots, avec simplicité m'ont conduit à être. Omar, Justin, Arab, Nadia au-delà de nos différences, mon Maroc c'est eux. Les Suisses marocains bloquent le chantier sur lequel je travaille. Chomage technique. En attendant qu'ils ouvrent le porte-monnaie. Il y a quelques mois cette situation m'aurait paniqué, avant que je comprenne que ma venue à Fes n'était pas que professionelle. Disons que Fes exerçait sur moi quelque chose d'unique que j'avais ressenti pour la premiere fois au bord du lac Moreau au Québec. Pour simplifier et sans rentrer dans les détails de mon intimité. J'étais à Fes comme un ver dans un cocon de soie, j'allais devenir papillon. Il ne me restait plus qu'à donner la direction de mon devenir. A travers mes rencontres Omar fut comme un guide. Pour lui la vie était comme une longue marche en compagnie d'un guide aveugle. Ce qui me faisait le plus plaisir dans tout ça, c'est qu'enfin je comprenais Gibraltar d'Abd Al Malik pour ressentir au fond de moi ce même amour du Maroc "qui avait fait de moi un Homme". Vivre près des mots, près des autres comme si la flamme qui brûlait mon coeur s'était transformée en force. Je touchais alors à quelque chose de profond, au-delà des religions, des mythes, des codes et des dogmes. Et dans ce respect de l'autre j'ouvrais des portes et des portes. Des grandes et des petites, en bois chaud, en métal froid. A travers la laideur et la beauté je me sentais devenir. Je ressentais le besoin d'aider sans attendre en échange, de créer du lien, du réseau, ce qui m'avait conduit à suivre ce groupe de l'école americaine de Paris et les introduire à travers leurs recherches auprès de mes amis artisans, soufi. Autour d'une poule grillée de la ville nouvelle, une petite assiette de sauce tomate et du pain pour la trempette, je sentais qu'avec Arab, Nabil et Saïd une amitié forte était née. Ce chantier, mes gestes, mes pensées étaient de plus en plus fortes. Cette ville exerçait sur moi une attraction qui me poussait au face à face. Je me trouvais en quelque sorte face à moi-même et je découvrais les clef pour accéder à l'autre côté du miroir. La graisse de mouton, parfums de rue, odeurs d'épices, de thé et de tabac. Vent froid et soleil de plomb, contraste et extrême.

UnIvErSiTé & VoluBiLis avec L'EcOle AmErIcAiNe De PaRiS, JuStiN & NaDiA


Petite conférence sur le féminisme au Maroc et sur la langue









Mes amis Nadia & Justin à Volubilis

vendredi 20 février 2009

dimanche 15 février 2009

Fes Le MuR & PaSsAnTe et LIbErTé

CaFé ClocK
Thé sheaba (ambroise)
old holborn OCB briquet transparent et rose
Lait amande chocolat
Mal au ventre, j’ai pris froid en sortant du Hamam
Soleil et fraîcheur
Après une discussion avec Sandrine une amie Instit.
Bibo no Aozora Ryuichi Sakamoto Babel
Paper Planes MIA Slumdog Millionaire

Mes chaussures s’usent, mes lacets blanchissent. C’est l’heure du travail. En face de mon mur je me retrouve. C’est étrange, je crois que j’ai trouvé cette petite chose, cette petite étincelle qui me manquait. J’ai l’impression en quelques semaines d’avoir pris du recul sur beaucoup de choses, les attentes, les envies. J’ai l’œil qui brille. Mes outils en mains, j’ai comme l’impression de me découvrir enfin à travers mon travail. Je prends conscience de mes contraintes. Je prends conscience de qui je suis, mon impuissance face au travail du temps. Je suis là, comme un funambule, à marcher sur mon fil. Arab prend le temps de m’expliquer l’amour. La radio crache Parole Parole. D’après lui quand on sait bien préparer les œufs au plats, on sait donner du plaisir à une femme. Sa théorie tient la route, je vous raconterai ça, un soir, si ça se présente et si possible entre deux trois bières bien fraîches. Mes journées sont courtes, rythmées par la prière, mais c’est suffisant, étape par étape. Quand ça devient compliqué je reprends le lendemain et ça va toujours mieux. Prendre du recul. Regarder sous un autre angle. Je réalise qu’un bon maître, c’est une personne qui ne parle pas, c’est celui qui donne l’exemple. Il me reste encore beaucoup de chemin à faire mais j’ai de bons lacets et de bonnes chaussures. J’ai l’impression que ce voyage est une clef. J’ai l’impression d’ouvrir en moi des portes que je n’imaginais pas auparavant. Je sens en moi la rage d’avancer, j’avais l’impression d’être un homme assis, je me suis relévé et maintenant je cours. Dans ma course je vois défiler des hommes avec leur histoire, leurs mains, leur âme. Nous courons tous, plus ou moins vite. Certains marchent moi je ne m’arrête plus. Je pense que sur de nombreux points le retour sera difficile. Il ne faut pas non plus croire que j’idéalise ce pays, non il y a de nombreuses choses qui me marquent mais il faut savoir passer au-dessus. Comme le dit les Hadith « Les hommes sont comme les dents d’un peigne ». Je me sens malgré nos différences accueilli comme un frère, je me sens être, tout simplement. Je rentre du chantier habillé comme j’y étais. Mon pantalon taché fait de moi un Fassi le temps de ces six mois dans les yeux des hommes que je rencontre. Mais le retour sera dur parce qu’il y a ici ce petit quelque chose qui manque à nos rues. La vie et la chaleur des hommes. Le fait de ne pas être qu’une ombre. Je ne sais pas, ici on est, on ne paraît pas simplement, du moins autour de moi mais il y a déjà deux mondes entre médina et ville nouvelle. Je fais la rencontre d’une fille, son nom ne me revient pas, mais je serai amené à vous le donner. Assis à la bibliothèque dans cette petite salle aux coussins mouelleux, je goûte ses mots, elle vient de la campagne, je goûte ses yeux, je prends un peu de ce « putain de merde » qui s’échappe de sa bouche. Je suis accroché à mon ordinateur mais dès que mon regard se lève, c’est pour reprendre un peu de cette image de beauté et de courage que j’ai en face de moi. Comme si ma rétine ne pouvait garder en mémoire son visage, j’en reprends et reprends jusqu’à nos premiers mots. Son Jean et sa petite chemise blanche, sa veste noire et son collier de pierre rouge. Je me noie dans ses mots . C’est le genre de fille qu’on regarde et que l’on aime au fond de soi non pas par désir mais pour ce qu’elle dégage. Le genre de femme qui te semble intouchable. Le genre de femme que je voudrais avoir auprès de moi comme amie et simplement comme amie pour ne pas abîmer nos mots, pour ne rien détruire. L’amitié. Je suis assis là, en face d’elle. Elle m’explique comment elle en est arrivée à tout quitter, ses traditions. Elle est musulmane mais elle a dû se battre contre sa mère pour arriver à ce qu’elle était. Une femme en quête de liberté. Elle était alors pour moi comme un symbole de ce Maroc nouveau, de cette nouvelle génération. De cette quête de liberté pour les femmes de ce pays. Après avoir rencontré un Français et quelques années de vie en commun, sa mère lui demanda de faire une opération de virginité. Une pratique courante au Maroc comme pour le reste du Maghreb et elle refusa. Elle partait du principe qu’on ne pouvait pas mentir sur ce que l’on était et que son corps n’était pas un objet traditionnel. A partir de ça elle décida que ce qu’elle définirait de bon pour elle, elle le ferait. Qu’elle pratiquerait sa religion tout en se libérant des interdits traditionnels. Que si elle voulait boire, elle le ferait, que si elle voulait fumer elle le ferait, que si elle voulait faire l’amour elle le ferait. Derrière ses mots, je ressentais le poids de son histoire. J’entendais le mot « putain ». Dans ma tête et à y regarder de plus près je voyais des hommes qui se posaient la question. Moi je voyais assis devant moi, une belle femme courageuse et ses mots encore maintenant me poursuivront pour longtemps.

SoLeiL & ChAnTieR




Brouillon Fes sur le vif IV

Café Clock
9h25
Cosmic rouch riders "Enjoy the melodie Sunshine"
Thé à la menthe, une pile de CD, du sucre, de la pluie.
Jour de tempête n°1

- Tu as le droit de penser après une semaine qu'une djellaba pourrait t'aider à traverser les rues et même si tu ressembleras fort au Dupond et Dupont tu auras certainement raison.
- Tu as le droit de dire non quand un jeune homme bien sapé te demande si tu veux "bronzer la tête" ce qui signifie acheter du kif, des cachetons, de l'alcool. Tu as aussi le droit de dire oui mais n'oublie pas que la médina te semblera un poil étouffante si tu es un peu sujet à la paranoïa, et n'oublie pas que le paradis hippies qu'était le Maroc a un peu changé et que tu encoures entre trois mois et cinq ans de prison avec parfois tabassage gratuit au poste si on te ramasse .
-Tu as le droit de dire au petit taxi que de Boujloud à bab el jedid ça fait 10 dh et pas 20.
- Tu as le droit de dire bonjour aux mendiants, on ne sait jamais qui se cache derrière.
- Tu as le droit de donner une pièce mais de préférence si tu ne veux pas avoir une dizaine d'enfants à tes trousses, donne aux personnes handicapées, ou aux personnes âgées.
- Tu as le droit d'apprendre avant de venir des mots, des bases comme:
bonjour: Sbâhlkhir
bonsoir: Msalkhir
merci: choukran
merci beaucoup: Choukran bezzâf
thé à la menthe: Atay b'naanaa
De rien: Ma haalihch
A demain: Hiatta lkhedda
non: La
non merci: La Choukran
oui: Naam, ah
..........






Brouillon Fes sur le vif III

Après une semaine dans cette ville, je fais la rencontre de L-zack, de Fes city Clan il me fait écouter deux trois beats sur son Ipod, et me donne autour d'un thé à la menthe son avis sur cette ville, sur la musique d'aujourd'hui et sur son envie de créer. Vivre du Hip Hop dans une ville comme Fes c'est extrêmement compliqué. Dans un premier temps il ne gagnait rien et il a dû se faire sa place. Il m'explique que Fes est une terre encore vierge pour les artistes.

Brouillon Fes sur le vif II

Il y a dans ces ruelles, dans chacun de mes pas des instants de doute et de satisfaction. Je fume une cigarette à la porte de ma maison à Buajara. Une mule sème des petites perles sur la route comme pour indiquer sa direction. Son maître habillé tout en jaune, frappe à coups de bâton l'arrière-train de la bête. Il porte une casquette GMF et marche au même pas. Au fond de la rue snack écrit à la bombe orange vous indique la route que je prends tous les jours. Suivez-moi. Je grimpe déjà fatigué les premières marches. Un salon de coiffure sur ma gauche. ça me rappelle cette journée avec mon géomètre qui s'était terminée dans un des bidonvilles de Fes au 97 Babelgoul Dhar El Mhraz. La vue sur la médina était certes magnifique mais rien de comparable à ce qui allait suivre. Ismael me prévient qu'ici ce sera certainement une des rares fois qu'un touriste s'aventure. Je sens les regards. figue de barbarie, cèdre et boue. J'avance. Jusqu'à cette petite pièce qui pue la mort. Un magazine de Femme du Maroc est posé sur une table en bois. La table est gravé d'un susana. J'imagine mon professeur défoncé, gravant à grand coup de lame la table. Les murs pleurent. Quelques affiches de zaragoza et des prières. Je comprends mais je mets le temps. C'est le salon de coiffure. Le coiffeur arrive, il a plus l'air d'un boucher aux grosses mains qu'un coiffeur. Un autre s'asseoit mais pose un carton rempli de shit sur la table. Il se fait tondre. Je prends mes repères. Je ne suis pas à ma place.

Brouillon Fes sur le vif I

J'ai gravé "I was it" mister Naranja. Un peu de moi restera ici, sur cette table en souvenir de ces jours de pluie. En souvenir de mes rencontres. De la musique que j'ai, le temps d'un thé écoutée. Des clopes que j'ai fumées. De ces mains que j'ai serrées. Des bonnes tartes au citron. De ces femmes aux cheveux longs. Je m'enivre de cette ambiance. Il m'arrive, déjà de penser que le retour sera différent. Il y a du bon dans le voyage lorsqu'on prend le temps du recul sur ces habitudes au pays. J'ai un autre regard sur le bain par exemple. L'importance de l'eau. Je me lave à la maison, assis sur une petite chaise en bois au dessus d'un WC turc. Je me lave au seau. Je me rends compte qu'avec un seau d'eau tu peux être propre. Des choses simples de tous les jours. Je ne dis pas, la première fois que j'ai vu ça, j'ai fait ok. Mais je me suis dit, ils s'y lavent, alors pourquoi pas et je me suis adapté au point de préférer ça à une douche. Le hammam est un endroit fantastique et en bon européen tu te rends compte à quel point la pudeur nous gagne dans des lieux pareils alors qu'il n'y a pas lieu d'avoir honte. Le regard n'est pas le même sur la nudité contrairement à des pays comme la France où le physique prend une place plus importante. Nous cultivons quelque part le paraître, l'image que l'on dégage au point de se priver parfois. Au hammam, tu te retrouves ici le seul homme à avoir des poils sous les bras et tu feras avec. J'aime ces découvertes. J'aime aussi pouvoir toucher la nourriture, pouvoir la prendre avec les mains, ressentir le repas comme un véritable partage. Une assiette unique. Cinq mains qui plongent dans le même plat.

dimanche 8 février 2009

PoEsiE du dEsOrdRe

médecine près d'Ursef
Fes Medina paradis des chats et des rats
Le thé et la radio sur le chantier

Je me sens comme Corto à Venise perdu entre calligraphie arabe et géométrie. La médina est un lieu magique. Construite avec le temps en communion avec Dieu. Tout y est mathématique, symétrie, logique. Tout y semble simple et extrêmement codifié à la fois. Je me sens comme Guiseppe Bergman, comme dans un rêve, où l’histoire se mêle au trait fin d’une hanche de femme qui te frôle. Un regard. C’est plus un jeu qu’autre chose, c’est déjà beaucoup. Je plonge mes yeux dans les siens et elle le sait elle en fait de même mais on en restera là. Je bois mon thé, pose mon verre et m’allume une clope. Il ne pleut plus. Lundi je me lèverai à sept heures et je prendrai le chemin. Le chemin de mes rêves. Plus de petit taxi, il ne pleut plus. C’est l’heure du bus 11, les jambes. Je me sens comme Théodore Poussin, marin de terre, il m’arrive de rêver d’un monsieur novembre qui viendrait rompre la solitude des jours pluvieux. Mais cette solitude, elle me nourrit. Le Maroc ou l’école de la patience. Les rues me sont de plus en plus familières. J’embrasse certains commerçants sur ma route. Je prends le temps de boire un, deux, dix thés. Je déjeûne à la maison et sur le chantier. Le thé est mon eau. Mes reins n’en souffrent pas plus que ça. Mais je vérifierai mon diabète au retour. La médina a pris son temps pour m'accueillir, comme un animal éveillé, j'ai su la dompter par mes pas. Je me laisse maintenant bercer par le flot, la masse, les sons, les ruelles interminables. Je me sens de plus en plus à l'aise. Attiré par des sons et c'est mon instinct qui me conduit. Je n'ai plus besoin de fil ou de petits cailloux. Je me sens comme dans un labyrinthe fléché. Il y a quelque chose d'antique dans cette ville. En faisant abstraction des paraboles, des téléphones, des poubelles à tous les mètres éventrées par des chats. Il y a quelque chose d'unique. Une harmonie du désordre et tu sens la vie. Tu n'es pas juste une ombre dans une ruelle. Tes "Salam" sont sincères. Il y a du vrai, du bon et du mauvais mais les deux s'harmonisent à merveille. Du haut du Dar, où j'apprends le ciselage , j'entends le coq en plein coeur de la médina. Un autre répond. A perte de vue des toits, une ville et une foire aux animaux. Rats, poules, chats, oiseaux, étalages sanglants, têtes de chèvres, de chameaux, de boucs. Mes maâlems, à l'heure de la prière étendent de grands sacs de farine en guise de tapis orienté vers la Mecque. J'aime cette poésie constante qui se dégage de ces rues et de ces lieux.

mardi 3 février 2009

GeBs II

Plâtre ciselé au Café Clock
Plâtre ciselé sur le chantier du Dar où je travaille



Plâtre ciselé du musée Nejjarine des arts et métiers du bois

dimanche 1 février 2009

GeBs

plâtre ciselé sur le chantier où je travaille

le Maroc Et L'artisanat traditionnel Islamique dans l'architecture - 1981
André Paccard
Editions Atelier 1974 - 1981
Vol 1 & 2

Mamounia Marrakesch Maroc
André Paccard
Editions Atelier 74 -09/01/1987

Plâtres sculptés,
plâtres ciselés... plâtres du passé ?

La sculpture du plâtre compte parmi les plus raffinés des arts décoratifs marocains. Sous le ciseau d’artisans héritiers d’une très ancienne tradition, naissent rosaces et calligraphies. Mosquées, palais, riads et médersas… les plus beaux édifices sont ornés de ces œuvres dont la grâce et la complexité forcent l’admiration. Le maâlem Houcine Lamane est l’un des maîtres de cet art millénaire.

L’homme est peu bavard. Il dit ne pas se souvenir, que tout ça fait partie du passé. Il faudra beaucoup de patience et de persuasion pour qu’il consente enfin et livre, par bribes seulement, un peu de son histoire.
Il n’avait que 6 ans quand son frère aîné, alors « gebbas », plâtrier – du mot « gebs » : le plâtre – a commencé à l’emmener avec lui sur certains chantiers. Le petit garçon observe sans un mot. à 11 ans, il dessine et cisèle ses premières rosaces qu’il vend en cachette.
A 13 ans, il participe à la restauration du palais royal de Rabat. Mohammed V est alors au pouvoir. Puis Hassan II lui succède peu de temps après. Le roi restera, pour Houcine, sa plus belle rencontre. « Il venait très souvent sur les chantiers, raconte-t-il, que ce soit dans les palais royaux ou à la Grande Mosquée.
Il connaissait tous les ouvriers et savait quel était celui qui travaillait pour l’argent, et celui qui était motivé par la passion. Cette époque est celle des grands chantiers. Il me plaît de l’appeler « l’ère de Hassan II le Bâtisseur ». Grâce à lui nous avons pu entretenir notre savoir-faire ». Et l’exporter.

La restauration du château de Monte-Cristo C’est ainsi qu’en 1985, Houcine part pour la France. Sa mission ? Restaurer la chambre mauresque… du château de Monte-Cristo. Alexandre Dumas a fait construire cette demeure en 1844, après le succès de ses « Trois Mousquetaires ». Il y a mis beaucoup de lui-même, mais aussi tout son argent. Le château restera à jamais inachevé et, au fil des ans, finira par tomber en ruine. Toitures éventrées, murs rongés par les infiltrations, sculptures lépreuses… Dans les années 1960, la demeure est vouée à disparaître, remplacée par un vaste projet immobilier. Trois communes de la région et l’historien Alain Decaux le sauvent in extremis grâce à une campagne médiatique savamment menée, et à un mécène inattendu : Hassan II, grand admirateur d’Alexandre Dumas, qui finance une partie des rénovations, dont celle de la chambre mauresque, seule pièce ayant conservé une partie de son décor d’origine. À cette époque, Houcine dirigeait des centaines de plâtriers. Et aucun n’était de trop pour répondre aux demandes parfois irréalistes. « Paccard (l’architecte-décorateur d’Hassan II) était intraitable sur les délais. Il nous donnait tant de jours et ce n’était pas un de plus. Je peux vous dire qu’à ce train-là, le métier rentrait vite. C’est ainsi que nous avons réalisé les stucs de la Mamounia en cent jours, et ceux du Hyatt Regency – qui vont du sous-sol au 9e étage – en quarante jours. Plus qu’une passion, mon métier est devenu un défi. »

Un très long apprentissage

Ces prouesses seront reconnues par le maître lui-même. André Paccard dédie tout un chapitre de son ouvrage de référence : « Le Maroc et l’artisanat traditionnel islamique dans l’architecture », publié en 1979, à Houcine Lamane et à son savoir-faire. Il écrit : « Le métier du gebs conserve plus que tout autre ses traditions.

Un long apprentissage est nécessaire et chaque artisan se spécialise généralement dans un travail particulier. Jusqu’à la présente génération, les apprentis ou mataalems n’avaient même pas droit d’accès à l’échafaudage avant plusieurs années d’apprentissage. Le maâlem Lamane Houcine nous a fait remarquer que le renouveau apporté par le développement de cet artisanat a permis d’accélérer les traditions de formation. Accélération indispensable, car l’importance des commandes réclame de nouvelles mains habiles, et il est réconfortant de constater sur les échafaudages que, parmi les artisans, grand nombre d’entre eux n’ont pas encore atteint la vingtième année. » C’était il y a plus de trente ans, et depuis les choses ont bien changé…

Du plâtre ciselé au plâtre moulé...

Le plâtre ciselé était alors incontournable, que ce soit dans les mosquées, les palais ou les maisons d’habitation. Les murs en partie basse, étaient revêtus de zelliges, le haut, et bien souvent les plafonds, de plâtre finement ciselé. Cette époque semble révolue, avec l’apparition progressive du plâtre moulé. De grands panneaux sont coulés sur des moules repro-duisant des motifs traditionnels qui ne connaîtront jamais la lame du couteau qui auraient dû les sculpter. Cette reproduction froide et mécanique a un avantage indéniable : elle est quatre à cinq fois moins coûteuse que le plâtre sculpté, un plâtre qui aura mis de longs jours à sécher, laissant à l’artisan le temps de le façonner, voire de le retoucher des mois plus tard, simplement en le mouillant pour qu’il s’attendrisse.
Ces dernières années, l’engouement pour les riads a permis aux artisans du plâtre de mettre à profit tout leur savoir- faire. « Je porte un grand amour à la restauration et à la rénovation des riads. Ces demeures reflètent l’image d’un Maroc ancestral et unique, quand leur restauration respecte et préserve l’art et l’architecture anciens. Cela nécessite un grand savoir-faire qui, malheureusement, est ignoré par ceux qui se qualifient eux-mêmes de maâlems. De ce fait, des ouvriers non qualifiés détruisent les charmes des riads », déplore ainsi Houcine Lamane.
« Autrefois, continue-t-il, il fallait pour devenir maâlem être reconnu comme tel par d’autres maâlems. Des adouls vous donnaient alors officiellement ce titre. Aujourd’hui, on appelle maâlem n’importe quel patron alors que le terme signifie « maître ». La nuance est subtile mais elle fait toute la différence. » Maâlem Houcine sait de quoi il parle. Il a vu défiler plusieurs générations d’artisans plâtriers. « à la façon dont ils montent leur échafaudage et à celle dont ils font leurs réglages, je sais ce qu’ils valent, je sais si je peux ou non leur donner ma confiance. » Si l’homme n’est plus, quant à lui, grimpé sur un échafaudage depuis un certain temps, il n’en a pas pour autant abandonné son ciseau. Fidèle à sa passion, il continue à créer de nouveaux motifs. Ses croquis sur papier sont ensuite entrés sur ordinateur par sa fille. Son désir le plus fort serait de créer « la fleur inconnue, celle qui viendrait de l’avenir... ».

Une succession de défis

Les étapes de la sculpture
« D’abord le tgharbil : passer le plâtre au tamis (ghourbal). Cette opération tgharbil s’effectue loin de l’échafaudage. Ensuite, le plâtre débarrassé de ses impuretés est pétri dans l’eau : c’est la ajina. C’est donc le ajjan qui passe le plâtre pétri au terrah, celui qui est appelé à le poser à même le mur. Cette opération est moins simple qu’on ne le croit, car le maâlem terrah doit veiller à ne jamais laisser passer les grumeaux.
Le plâtre une fois étalé sur le mur ou sur tout autre partie à sculpter, arrive le ghabbar avec ses poncifs et sa « gousse » de poudre de couleur.
Le ghabbar ne dessine pas les motifs. Il les a reçus sur papier et ne fait que calquer le dessin sur le plâtre.
C’est à partir de ce moment qu’intervient le naqqach ou sculpteur qui réalisera l’œuvre, mais pas complètement, car c’est le khallaç ou finisseur qui apporte les retouches définitives. Celui-ci manie des outils très fins pour donner à l’œuvre toute la délicatesse qu’elle mérite. »
Extrait de l’ouvrage d’André Paccard, « Le Maroc et l’artisanat traditionnel islamique dans l’architecture », tome 2, les Editions Atelier 74.

Les règles de sculpture

Deux théories s’opposent quant à la façon de sculpter le plâtre.
Pour certains maâlems, la sculpture doit se faire en biais, se dirigeant vers le haut, afin de suivre la vision de l’œil d’un spectateur debout, situé au centre de la pièce. D’autres estiment que la sculpture doit se faire à la verticale du mur, presque en parallèle, estimant que la première option est une solution de facilité, car il est plus simple de creuser ainsi qu’à la verticale. Quoi qu’il en soit, ces deux techniques ont toujours existé et sont en éternelle confrontation.
Si la technique diffère, le principe reste le même : le plâtre, étalé en couches épaisses – de 3 centimètres jusqu’à, parfois, 18 centimètres, comme au palais royal de Fès – est sculpté sur plusieurs plans successifs – allant jusqu’à cinq – afin de donner vie aux motifs en les mettant en relief. Les figures et calligraphies peuvent soit garder la couleur naturelle du plâtre, soit être colorées. La polychromie domine à Marrakech et dans sa région – avec une préférence pour le rouge et le bleu – tandis que la dorure caractérise sa mise en oeuvre à Fez.

Texte : Aurore Chaffangeon

KaSmA KtEb SuSaNa Geometrie


Mes carnets de géométrie.



Carton à tamponner avec un petit sachet de ciment afin de décalquer le motif sur le plâtre. Carton de Saïd sur le chantier.

DiAlOgUe au CaFe ClOcK

Vitrail et ferronnerie dans la salle rouge du Cafe Clock
The magic eve'n Mohamed Charkaon acrylic at Cafe Clock
La table des temps pluvieux
Café Clock
14H28
Roméo et Juliette Abd Al Malik Dante
Thé à la menthe- Winston King Size- jus d'orange-sucre- café -briquet-
pluie et tempête en prévision.

"Mais qu'est-ce qui t'a fait quitter l'histoire de l'art pour le plâtre?
-Je ne me reconnaissais pas dans ces études. J'avais quelque part, j'avais comme l'impression de brasser des idées sans pouvoir les matérialiser. Je ne regrette rien. Ces études m'ont offert une perception de l'art à travers l'histoire de l'architecture, de la peinture, de la sculpture... J'aime mon parcours. J'avais envie de me convaincre que je pouvais à la fois utiliser mes mains et ma tête. Quand j'étais enfant, j'aimais construire des cabanes dans les forêts de mon village. J'empilais des rondins, des palettes, des branches. Je n'avais pas de soucis pour élever le sol. Pour construire la charpente. Mais je n'arrivais pas à dresser les murs. Si je suis ici, à Fes, aujourd'hui avec toi, autour de ce café c'est parce que je ressens le besoin d'allier ma vision de l'art et de la confondre avec la beauté et les techniques de l'artisanat de ce pays. J'ai comme un besoin fort de construire des murs, de repeindre des murs, de mettre de la lumière entre quatre murs. J'ai aussi besoin de penser à ce mur et de chercher une multitude de techniques , de gestes, de mouvements. C'est comme un besoin. Une envie simple d'alimenter mes mains et ma tête . "
Il y a devant moi ce livre qui me tire les yeux Paul Bowles "the spider house". Je prends une clope dans mon paquet mou, tire une cousue et me la grille avec mon joli briquet damier rouge et noir et tête de mort Scull. Je m'égare, Je reprends.
"J'ai eu beaucoup de chance, surtout en ce moment comme il pleut tout le temps de trouver Arab et Said.
- En plus tu es européen, il n' y a pas beaucoup de Maâlems qui transmettent mais ils savent bien qu'aujourd'hui au Maroc les traditions artisanales se perdent. Imagine que la géométrie, que tes gestes, ton apprentissage, ça fait des milliers d'années qu'elles se transmettent. Imagine qu'aujourd'hui les jeunes au Maroc ils préfèrent pour la plupart imaginer que quitter leur terre pour tenter leur chance en France en Angleterre, aux USA, ça vaut mieux que garder la tradition de leurs anciens. "
Je pense dans ma tête à la nécessité de partir. Je pense dans ma tête à l'innocence, je pense dans ma tête. Je fais le chemin inverse, à contre-courant. J'imagine un fleuve que je remonte à contre-courant. Je remonte une rivière et il m'arrive de me demander si aux yeux de ceux qui la descendent je ne suis pas une insulte. Il m'arrive parfois de faire une pause sur la berge le temps de vider mes bottes. Mais je l'écoute. Je comprends que dans les deux sens les clefs, c'est le langage, c'est les autres, c'est l'amour, que ce soit l'amour d'un dieu ou l'amour des gestes, ou l'amour de ce qui gravite autour de toi. Je le regarde, il parle très bien , il est professeur de français à Tétouan. Son français est plus raffiné que celui qui sort de ma bouche. Je l'écoute:
"Tu sais, oui, quelque part tu as eu de la chance mais cet art disparaîtra peut-être un jour au profit du vite fait. Tu pourras alors le transmettre tout en sachant d'où il vient."
j'écrase mon clope dans un petit cendar orange. Taha passe devant moi, pose sa main sur mon épaule. Se penche et me dit alors c'est bon tu as un chantier?
"oui, j'ai un chantier, j'ai beaucoup de chance."