"Lorsqu'un seul homme rêve, ce n'est qu'un rêve. Mais si beaucoup d'hommes rêvent ensemble, c'est le début d'une nouvelle réalité." HUNDERTWASSER

dimanche 1 février 2009

DiAlOgUe au CaFe ClOcK

Vitrail et ferronnerie dans la salle rouge du Cafe Clock
The magic eve'n Mohamed Charkaon acrylic at Cafe Clock
La table des temps pluvieux
Café Clock
14H28
Roméo et Juliette Abd Al Malik Dante
Thé à la menthe- Winston King Size- jus d'orange-sucre- café -briquet-
pluie et tempête en prévision.

"Mais qu'est-ce qui t'a fait quitter l'histoire de l'art pour le plâtre?
-Je ne me reconnaissais pas dans ces études. J'avais quelque part, j'avais comme l'impression de brasser des idées sans pouvoir les matérialiser. Je ne regrette rien. Ces études m'ont offert une perception de l'art à travers l'histoire de l'architecture, de la peinture, de la sculpture... J'aime mon parcours. J'avais envie de me convaincre que je pouvais à la fois utiliser mes mains et ma tête. Quand j'étais enfant, j'aimais construire des cabanes dans les forêts de mon village. J'empilais des rondins, des palettes, des branches. Je n'avais pas de soucis pour élever le sol. Pour construire la charpente. Mais je n'arrivais pas à dresser les murs. Si je suis ici, à Fes, aujourd'hui avec toi, autour de ce café c'est parce que je ressens le besoin d'allier ma vision de l'art et de la confondre avec la beauté et les techniques de l'artisanat de ce pays. J'ai comme un besoin fort de construire des murs, de repeindre des murs, de mettre de la lumière entre quatre murs. J'ai aussi besoin de penser à ce mur et de chercher une multitude de techniques , de gestes, de mouvements. C'est comme un besoin. Une envie simple d'alimenter mes mains et ma tête . "
Il y a devant moi ce livre qui me tire les yeux Paul Bowles "the spider house". Je prends une clope dans mon paquet mou, tire une cousue et me la grille avec mon joli briquet damier rouge et noir et tête de mort Scull. Je m'égare, Je reprends.
"J'ai eu beaucoup de chance, surtout en ce moment comme il pleut tout le temps de trouver Arab et Said.
- En plus tu es européen, il n' y a pas beaucoup de Maâlems qui transmettent mais ils savent bien qu'aujourd'hui au Maroc les traditions artisanales se perdent. Imagine que la géométrie, que tes gestes, ton apprentissage, ça fait des milliers d'années qu'elles se transmettent. Imagine qu'aujourd'hui les jeunes au Maroc ils préfèrent pour la plupart imaginer que quitter leur terre pour tenter leur chance en France en Angleterre, aux USA, ça vaut mieux que garder la tradition de leurs anciens. "
Je pense dans ma tête à la nécessité de partir. Je pense dans ma tête à l'innocence, je pense dans ma tête. Je fais le chemin inverse, à contre-courant. J'imagine un fleuve que je remonte à contre-courant. Je remonte une rivière et il m'arrive de me demander si aux yeux de ceux qui la descendent je ne suis pas une insulte. Il m'arrive parfois de faire une pause sur la berge le temps de vider mes bottes. Mais je l'écoute. Je comprends que dans les deux sens les clefs, c'est le langage, c'est les autres, c'est l'amour, que ce soit l'amour d'un dieu ou l'amour des gestes, ou l'amour de ce qui gravite autour de toi. Je le regarde, il parle très bien , il est professeur de français à Tétouan. Son français est plus raffiné que celui qui sort de ma bouche. Je l'écoute:
"Tu sais, oui, quelque part tu as eu de la chance mais cet art disparaîtra peut-être un jour au profit du vite fait. Tu pourras alors le transmettre tout en sachant d'où il vient."
j'écrase mon clope dans un petit cendar orange. Taha passe devant moi, pose sa main sur mon épaule. Se penche et me dit alors c'est bon tu as un chantier?
"oui, j'ai un chantier, j'ai beaucoup de chance."

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ton blog et tes récits sont merveilleux, on imagine bien tout le chemin que ces phrases peuvent faire dans ta tête! Et l'histoire du maâlem Houcine elle est vraiment géniale! En venant apprendre des techniques ancestrales loin de chez toi, tu ne les insultes pas, tu les honores; laisse le temps agir sur le scepticisme. Jpense bien à toi depuis l'autre côté de l'océan! Bizz, marjo (PS: mets des photos de plâtre moulé!)