"Lorsqu'un seul homme rêve, ce n'est qu'un rêve. Mais si beaucoup d'hommes rêvent ensemble, c'est le début d'une nouvelle réalité." HUNDERTWASSER

mardi 24 mars 2009

CaRbOnArA PuEr la PeUr ChEmIn dEs âMes

Tout avait commencé autour de pâtes à la carbonara, je savais qu'en traînant mon sac à roulettes dans cette gare de Lyon, je serais un jour amené à revenir sur mes pas. Six mois, c’était à la fois tout et rien dans une vie, un grain de sable. J’avais dit au revoir à ma famille comme si je les reverrais d’ici quelques semaines, un petit câlin et une frappe amicale dans la main qui m‘aura valu trois quatre jours de regret et une jolie boule dans l‘estomac. Je voulais paraître fort mais au fond de moi, mes jambes nerveuses me faisaient puer la peur, c‘était la première fois que je partais seul, et la première fois que je partais avec un projet. Très rapidement la nuit nous enveloppa de son doux manteau et mes jambes se calmèrent. Bercé par le son de cette langue à la fois nouvelle et présente au fond de moi, dans mes rêves de France aux être multiples, mes rêves du vivre ensemble. Cette France qui au-delà de ses clivages, de ses ghettos, de ses cris et de ses débats sans fin avait une dette, celle de la reconnaissance et du respect, celle du travail sur soi. Ma France à moi sentait à la fois l’odeur du tabac à la pomme et l’odeur du vin. C’était un rendez-vous galant entre les Lumières et Khateb Yacine, c’était le Chaaba au porte de Lyon, c’était Carte de séjour sur le chemin de l’école dansant la France de Trenet. C’était pour moi l’amour des Oranges, l’amour de l’Algérie, le bras de Marwan, c’était mon frère Mouloud, c‘était une France de bruits et d‘odeurs enivrantes cosmopolites. Celle de la France arc-en-ciel. J’avais de plus en plus l’impression que le seul endroit dans notre beau pays où l’on pouvait goûter de cette chaleur humaine où l’on pouvait encore entendre battre dans la douleur et la joie le cœur uni des hommes c’était la cité que les JT nous présentaient que sous l’angle de la peur. Cette France aux mots nouveaux, cette France de la rue au dictionnaire bien plus épais que le gros Robert. Il ne manquait plus que les poètes pour la saisir cette langue et la faire danser. La France me donnait juste l’impression d’être une grand-mère poudrée au talc, une vieille bourgeoise aveugle et malade agrippé à son sac à main, sa culture et son histoire . Elle puait la peur et dans ce bus vers le chemin de mes rêves je réalisais à quel point ce que j’allais découvrir allait me transformer à tout jamais. J’en avais fait du chemin, ma peur s’était peu à peu transformée en force, je me sentais à travers la solitude livré pour la première fois de ma vie à moi-même. Montpellier, la douane monte, le véhicule noyé dans le noir est balayé par des torches. Un par un on a le droit au faisceau dans les yeux, ça doit être d’usage et leurs piles étaient neuves. Le berger allemand faisait des aller-retour dans l’allée quand la lumière s’arrêta sur mon visage.
«- En vacances monsieur?
-Oui
-On aura l’occasion de se revoir au retour alors? »
Il me dévisageait avec ce regard de toute puissance, un brin puissant, un brin moqueur, un brin puant qu’ont certains sheriffs de par chez nous.
J’aurais voulu dire :
« Oui Monsieur je vais au Maroc. Est-ce que ça veut automatiquement dire que je me coincerai du teushi dans les chaussettes ou dans le cul à mon retour? »
Mais quelque part au Royaume des cons le silence était une arme. Je m’étais contenté d’un simple sourire comme je sais si bien les faire.
38 heures sur le chemin des âmes. Puis vint Gibraltar la belle, celle qui marquera à tout jamais mon cœur. Dans un bateau, mes pas me conduisent toujours sur le pont arrière et je ne sais pourquoi mais lorsque je sens le vent fouetter mon visage et que je vois au loin disparaître les lumières des villes et bien j’ai envie de pleurer. C’est comme si la mer restait un des seuls espaces vierges au monde. Toutes les vagues sont différentes, tout s’efface, tout est en mouvement, c’est comme si les mers et les océans offraient à l’homme une leçon de respect face à leur puissance limitée. C’est comme s'ils leur offraient un nouveau départ . Cette mer m’avait à tout jamais changé et les portes de Tanger s’ouvrirent. Mon premier pas sur la Terre africaine, mon premier pas sur ce continent berceau de l’homme.

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